jeudi 24 mai 2012

Le temps de l'humour entre Ivoiriens est-il révolu?

Avant, à une époque qui n'est pas si loin des découragements d'aujourd'hui, on pouvait, sans crier gare, rire de nos régions, des coutumes de leurs habitants, de leurs mœurs, de leurs habitudes alimentaires. Dans une langue faite de mélange de français et des apports de notre propre fabrication, on disait "faut pas fâcher, nous s'amuser". Ainsi, en moquant les Wobés, honnêtes hommes de l'ouest de notre pays, on y allait pas autrement que de les taxer de cannibalisme. Les Akyés étaient censés chasser les escargots avec des fusils de type calibre 12. Qui parmi nous n'a-t-il pas pleuré de rire en écoutant ou en regardant Bamba le Rire ou bien le duo Wintin Wintin Pierre et Vieux foulard? N'est-ce pas ici qu'on disait que les Adioukrous étaient des sorciers, que les Bétés n'aimaient que la bagarre, que les Tagbanas avaient des petits pieds, que les Dioulas, à cause du carême ne dormaient pas la nuit...?Dans leur mode de vie, les Ivoiriens, à travers la musique ou le théâtre, ont fait de l'humour, à l'instar du dessinateur Georges Wolinski, « le plus court chemin d’un homme à un autre». Puis, tout bascula. Le jour où un homme affirma qu’on lui interdît de briguer la magistrature suprême parce qu’il est musulman et nordiste. Cette sortie de route langagière a littéralement pulvérisé l’ensemble du corps social Ivoirien. La cohésion sociale venait ainsi d’être sérieusement entamée. Et une rébellion meurtrière s’est établie, exacerbant la haine entre les populations et modifiant, du coup, intimement la logique humoristique de notre peuple. L’amour entre nous a fait place à l’acrimonie et aux formes les plus redoutables de toutes les haines. On ne peut plus rire de nous-mêmes. Désormais, le cœur des Ivoiriens est irrigué par le cilice. On ne brocarde plus, on calomnie, on tue sur fond tribal. Dans les bureaux, au marché, dans les écoles, l’appartenance ethnique conditionne notre manière de vivre. Non seulement, la tribalisation du débat politique a emmené chaque groupe ethnique à se lover mais, a surtout jeté les alliances inter-ethniques dans les cordes. Les galéjades entre Ivoiriens, naguère vecteur efficace de rapprochement inter-ethnique ont du mal à se remettre du choc politicard. Tôt ou tard, on ose espérer que la jovialité qui caractérise le peuple Ivoirien, refera surface. Pour l’heure, avec la création de l’idéologie du rattrapage ethnique qui a théorisé la suprématie des Nordistes au détriment des autres peuples, l’humeur débonnaire des Éburnéens aura du mal à s’en accommoder. Dans toutes ses composantes, la société Ivoirienne est, pourrait-on dire, à la recherche, hélas de son humour perdu. Kephren Neruda

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