lundi 9 avril 2012

La Côte d'Ivoire d'aujourd'hui et les droits des hommes


Il n’y a pas de droit sans société, il n’existe pas de société sans droit. En principe. Car malheureusement, il existe des sociétés sevrées des lumières de la science juridique et la Côte d’ivoire actuelle en est une illustration tristement parfaite. Depuis l’installation du consul honoraire d’Abidjan par la coalition franco-onusienne, la Côte d’ivoire va à vau-l’eau. La loi fondamentale est quotidiennement bafouée par celui qui fait office de président et par ceux qui se réclament de lui. Tous les instruments pertinents de protection des droits de l’homme ne servent que de paillasson au pouvoir d’Abidjan. Dresser la liste exhaustive des droits piétinés par le régime Ouattara est un défi colossal. Pour autant, par devoir moral et en mémoire des nombreuses victimes, il me paraît impérieux de détailler certaines violations du droit qui font aujourd'hui de notre pays une dictature dans son acception la plus abjecte. Le droit constitue la trame des rapports sociaux. Toutefois, force est de constater que jamais les libertés fondamentales n’ont été autant flagellées depuis l’avènement artificiel de Ouattara au sommet de l’exécutif ivoirien. Or, il ressort des dispositions de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » En Eburnie, la liberté d’expression est assidûment comprimée. Et les exemples ne manquent pas en la matière. Ousmane Sy Savané, directeur de publication du groupe Olympe (société éditrice du quotidien Le Temps) est toujours détenu dans les locaux de la DST. Plus d’une fois, les journaux pro-Gbagbo ont été suspendus pour des raisons plus que fallacieuses, alors que les organes de presse favorables au pouvoir n'ont encore jamais été inquiétés. De plus, la liberté de réunion n’est désormais plus qu’une vue de l’esprit, surtout quand les personnes qui se rassemblent ne se cachent pas d'appartenir à l'opposition. Tous les meetings du Front Populaire Ivoirien ont ainsi systématiquement eu droit à la réponse naturelle du pouvoir, celle du sang. Passons sur les intimidations, menaces, enlèvements et exactions massives d’innocents. Et que dire du nouveau délit trouvé par le ministre de la justice, devenu Premier Ministrequi a osé justifier l’arrestation et la détention de Michel GBAGBO par le seul fait de sa filiation avec Laurent GBAGBO ?  
Comme nous venons de le voir, la liberté d'opinion et d'expression est sévèrement mise à mal en Côte d’ivoire, mais plus grave, la vie est considérée par le régime en place comme une chose dont l'importance est toute relative. Les tueries massives perpétrées quotidiennement, et exclusivement parmi les populations qui n'appartiennent pas à la même ethnie que lui par les milices de Ouattara ont fait l’objet d’une kyrielle de rapports d’organisation de défense des droits de l’homme. Celui dressé par Human Rights Watch sur les massacres des populations Wê de Duékoué est sans ambages. Suivant un extrait du rapport accablant de cette ONG « une femme de Bakouli près de Toulepleu a indiqué que les forces pro-Ouattara l’ont violée devant ses enfants, puis ont tiré sur son mari qui tentait de s’interposer ». C'est sans commentaire. Et pourtant, avec la bénédiction d'Abidjan, comme si cela ne suffisait pas, pas un seul jour ne passe sans que les forces rebelles, en toute impunité, ne transgressent les droits les plus élémentaires des citoyens ivoiriens. Cette accumulation d'exactions a poussé l’évêque de Yamoussoukro à dire qu’ «aujourd’hui, on tue dans notre pays comme on égorge son poulet». Le secrétaire général  du RDR, Amadou Soumahoro lui a malheureusement donné raison en affirmant,  le 18 Mars 2012 à Daloa, que «tous ceux qui s’opposeront à Ouattara iront au cimetière». Cet appel ouvert au meurtre a eu un écho favorable auprès de ses militants lobotomisés. Dans la foulée, à Yopougon, trois personnes ont été tuées. Sans la moindre réaction des autorités judiciaires ivoiriennes. 
Sous peine de se rendre complice du génocide intellectuel en cours en Côte d’ivoire, on ne saurait ignorer, au rang des droits bafoués, celui fondamental du droit à l'éducation. En Côte d’Ivoire, c’est plutôt le devoir à l’ignorance qui a pignon sur rue. La fermeture de l'université de Cocody a littéralement clochardisé plus de soixante-dix mille jeunes ivoiriens déjà éprouvés par dix années d’errance pédagogique. La manoeuvre est pernicieuse. Le pouvoir en place sacrifie de cette manière une génération entière d'étudiants en muselant la stimulation intellectuelle nécessaire au développement économique, politique et social d'un pays. Cette fermeture de l'université de Cocody (le campus de Bouaké restant curieusement ouvert) répond également à un souci de vengeance  du nouveau pouvoir dans la mesure où "Laurent Gbagbo a obtenu  soixante-sept pour cent des suffrages des étudiants" comme l'a affirmé l'universitaire Michel Galy, au cours d'une conférence tenue le 15 mars dernier à Abidjan.
A la longue liste des droits enfreints viennent s’ajouter les licenciements abusifs sur fond de rattrapage ethnique. Qui n’a pas été meurtri de voir des femmes et des hommes de la Présidence,  de la Sotra, de la RTI, des ports autonomes d’Abidjan et de San Pedro venir grossir le nombre des chômeurs ? Au mépris de leurs droits légitimes. Il ressort ostensiblement qu’en Côte d’ivoire, la Constitution, garante des libertés fondamentales a été foulée aux pieds par le pouvoir avec la complicité cynique des champions du monde de la démocratie que sont les pays occidentaux. Entre l’enclume de la haine et le marteau du rattrapage ethnique, la Côte d'ivoire d'après-11 Avril 2011 a tout, sauf les attributs d’un État de droit. Sous Ouattara, dont la férocité n'a pas d'égal, le droit qui devrait s’inscrire dans une logique de pacification des relations sociales se loge plutôt dans une dynamique de fracture sociale. Quel type de société devrions-nous espérer quand des rebelles sanguinaires venus du nord et de la sous-région sahélienne sont considérés comme des « sauveurs » par le procureur de la république, censé être le garant des intérêts de la société ? Absolument rien. Dans la Côte d’ivoire d’aujourd’hui, le droit de chacun est soumis au bon vouloir du pouvoir en place. Adieu démocratie, adieu libertés... Pour combien de temps ? Kephren Neruda

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